mardi 24 février 2015

Voyage au bout de la nuit (1932)

Pas facile de chroniquer Voyage au bout de la nuit de Céline. Ce roman est très particulier et je ne peux pas vraiment dire que je l’ai apprécié. (D’ailleurs, c’est l’un des rares livres que j’ai abandonnés: la première fois, il y a six ans, j’ai laissé tomber page 35 environ.)


"Une fois qu’on y est, on y est bien. Ils nous firent monter à cheval et puis au bout de deux mois qu’on était là-dessus, remis à pied."

Ce roman n’est pas évident à lire à cause du style très oral employé par Céline. Sans l’intonation qui indique comment en quelque sorte "dans quel ordre" lire une phrase, certains enchaînements sont un peu obscurs sur le papier. Il faut faire parfois l’effort de "penser" comme si on lisait à voix haute pour s’y retrouver.

En ce qui concerne le fond, je dois dire que j’ai rarement lu quelque chose d’aussi pessimiste. On m’avait dit que Céline détestait tout le monde, pas juste les Juifs, et c’est effectivement le cas: la seule chose qu’il voit chez l’homme, c’est la "vacherie", la tendance systématique à faire du mal à son prochain. C’est en tout cas la constatation du narrateur, Bardamu, double de l’auteur, qui revient des tranchées avec la conviction intime que tout le monde lui en veut. Sa seule réaction est la fuite ou l’indifférence (la lâcheté, à en croire Wiki). Du coup, difficile de s’attacher ou de s’identifier à ce personnage profondément égoïste et mou, un médecin qui laisse une de ses patientes se vider de son sang devant lui sans réagir…

Je n’ai pas trop compris le message de la fin, même si je suppose qu’il s’agit symboliquement du "voyage au bout de la nuit" dont parle le titre (que je trouve superbe, soit dit en passant), la marche inexorable vers la mort et l'oubli.

Ceci étant, ce roman reste une lecture très intéressante. Je n’y ai pas vu un chef d’œuvre, mais c’est certainement un livre pertinent qui a quelque chose à dire sur l’humanité en général et sur la Première Guerre mondiale, le colonialisme et le fordisme en particulier (car notre Bardamu, blessé au front, se retrouve dans un coin paumé d’Afrique puis à New York avant de revenir soigner ses patients en banlieue parisienne). Malgré l’argot et le style oral, je l’ai lu assez rapidement et j’ai été assez prise par ma lecture.

"Ce qui est pire c’est qu’on se demande comment le lendemain on trouvera assez de force pour continuer à faire ce qu’on a fait la veille et depuis déjà tellement trop longtemps, où on trouvera la force pour ces démarches imbéciles, ces mille projets qui n’aboutissent à rien, ces tentatives pour sortir de l’accablante nécessité, tentatives qui toujours avortent, et toutes pour aller se convaincre une fois de plus que le destin est insurmontable, qu’il faut retomber au bas de la muraille, chaque soir, sous l’angoisse de ce lendemain, toujours plus précaire, plus sordide."

Si j’ai vu la justesse de ce passage quand je l'ai lu, j’ai tout de même pensé: "Misère, qu’est-ce que c’est gai!" Cette réaction amusée me montre le chemin parcouru, cette vision de l’existence ayant été celle que j’ai ressentie du matin au soir pendant pas mal d’années… Je ne sais pas si j'avais tort, si je suis passée du côté des "heureux" que je déteste tant, ou si les deux états d'esprit cohabitent en nous en fonction des évènements.

"Il faudra endormir pour de vrai, un soir, les gens heureux, pendant qu’ils dormiront, je vous le dis et en finir avec eux et avec leur bonheur une fois pour toutes. Le lendemain on en parlera plus de leur bonheur et on sera devenus libres d’être malheureux tant qu’on voudra [...]."


En définitive, un livre à lire à l'occasion, histoire de savoir de quoi il s'agit. Mais à éviter en cas de déprime. Histoire de ne pas finir au bout d'une corde.

6 commentaires:

  1. Un grand classique, qu'il faudra bien que je lise un jour. Mais un jour ensoleillé, avec des enfants qui rient et des papillons dans le ciel quoi !^^

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  2. "Histoire de ne pas finir au bout d'une corde"
    Ahahah, c'est exactement ça !!

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  3. J'ai plutôt aimé le style oral, ça me donnait l'impression qu'il me parlait à moi! Bon, j'aurais juste aimé qu'il me dise des choses un peu plus jojo! :-D Comme toi je suis contente de l'avoir lu même si ça n'a pas été vraiment plaisant.

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