mardi 29 août 2017

La Curée (1871)

Après La Fortune des Rougon cet hiver, place en juin et en juillet au deuxième tome des Rougon-Macquart, La Curée. Par manque de temps, Ksidraconis et Eless n'ont pas pu reprendre la lecture commune et Tigger Lilly et moi avons donc continué notre chemin à deux. Moins d'échanges, donc, mais une lecture néanmoins passionnante portée par la superbe plume d'Émile Zola! 💖💖 


La Curée se déroule plusieurs années après La Fortune des Rougon. Aristide Rougon porte désormais le nom de Saccard et a réussi à faire fortune à Paris en spéculant sur les terrains rachetés par la ville pour faire place aux grands travaux de Haussmann. L'opposition ayant été balayée, le Second Empire est bien implanté et la course à l'argent a commencé. Les fortunes se bâtissent en bourse et l'or coule à flots. Après le décès de sa femme Angèle, Saccard a épousé une jeune et riche héritière qui avait besoin de se placer rapidement en raison d'une grossesse. C'est la belle et naïve Renée, personnage central de ce livre.

Renée, la jolie cervelle vide qui s'ennuie
On ne peut pas dire que Renée soit vraiment stupide, mais il est certain qu'elle n'a aucune envie de réfléchir; le moindre propos économique est un tracas qui lui casse la tête et elle préfère largement laisser ces considérations à son époux pour se concentrer sur ses robes et ses sorties. Mais l'ennui se glisse dans sa vie de riche oisive et elle finit par poser les yeux sur Maxime, le fils du premier mariage de Saccard, plus jeune d'elle de plusieurs années. Elle tombera dans l'inceste, seule perversité à même de la faire "vivre".

Maxime, le truc mou
J'ai tout particulièrement détesté Maxime. La plupart des personnages de Zola ont quelque chose de détestable, mais lui n'a vraiment rien pour se rattraper. C'est un gosse de riche mou et vain qui ne pense qu'à lui et n'a jamais levé le petit doigt puisque papa a toujours tout payé. C'est Renée qui conçoit, cherche et provoque leur relation, même si c'est lui qui déclenche leur première coucherie; il participe passivement à leurs ébats, ne prend aucune initiative, subit la relation quand elle ne lui convient pas et serait même prêt à se faire enlever si Renée allait jusque-là. Après avoir été maintenu par son père, il se fait entretenir par sa maîtresse puis mange tranquillement la dot de sa femme.

Saccard, le spéculateur
Saccard n'a qu'une obsession: brasser des millions en prenant toujours plus de risques, en trouvant des combines de plus en plus tordues, où lui-même pourrait parfois s'emmêler. La ville de Paris est sa principale victime, mais il dépouille aussi sa femme, un élément récurrent dans le livre qui marque le rythme de la chute de Renée. Je n'ai pas tout compris à ses magouilles mais on saisit l'essentiel: il vole et trompe son monde.

Sidonie, la figure de l'ombre
Saccard n'est pas le seul Rougon à Paris: son frère Eugène, qui lui permet de décrocher son premier poste, est ministre et sa sœur Sidonie est... Et bien disons que sa profession est indéfinissable: elle vend des pianos, organise des rencontres entre amants, prête de l'argent, arrange des mariages et réaliserait même des courses secrètes pour son frère le ministre. Sidonie est sournoise et tarée comme tous les membres de sa famille, mais elle est intelligente et sagace et est la digne héritière de sa mère Félicité, qui avait œuvré dans l'ombre dans La Fortune des Rougon.

Les riches jamais assez riches
L'or coule vraiment à flots dans ce roman (dans l'avant-dernière partie, il y a même un parterre de pièces d'or dans une pièce de théâtre). Mais il n'y en a jamais assez et tout le monde en cherche plus. Tigger Lilly faisait très justement remarquer que la vie de ces gens consiste à vivre au-dessus de leurs moyens, pourtant colossaux, et à chercher toujours plus d'argent pour continuer à vivre au-dessus de leurs moyens.

L'hypocrisie, le vice, la victoire des sans scrupules et la destruction des faibles
La Curée est typiquement le roman zolien qui vous enlève toute foi en l'humanité et qui doit faire dire à tant de lecteurs "c'est trop pessimiste Zola, ça se termine toujours mal". Nos arrivistes sans scrupules barbotent dans l'or sans être le moins du monde inquiétés pour leurs magouilles; Maxime et Aristide sortent de l'affaire de l'inceste le sourire aux lèvres; la bonne société continue ses soirées et ses sorties au Bois; et seule Renée, écrasée par l'énormité de son acte et l'abandon de Maxime, se pose quelques questions et reste abandonnée sur le bas-côté, dans une spirale de plus en plus désespérée.

La plume de Zola, ce style inimitable à l'ironie mordante
Zola emploie un style bien particulier, extrêmement riche et parfois lyrique, que tout le monde n'appréciera pas. Perso je trouve que c'est le meilleur écrivain de langue française. Il y a aussi pas mal d'ironie, on sent qu'il n'a pas très haute estime de ses personnages... Je n'ai malheureusement noté aucun exemple mais c'est assez croustillant.

Prochaine étape de notre exploration des Rougon-Macquart: Le Ventre de Paris!

Allez donc voir ailleurs si cette curée y est!

8 commentaires:

  1. Ahhhh ton billet me rappelle à quel point j'aime Zola ! "La curée" est le tout premier que j'ai lu des Rougon-Macquart, en seconde, je crois... Je l'avais A-DO-RE ! Certains trouvent Zola trop sombre ; j'adore, au contraire, ce mordant, cette pugnacité à peindre la noirceur des hommes, cette ironie sans concession. Bref, ça pue la vie, comme dirait l'autre. Depuis, je n'ai plus décroché ! Tiens, il faudrait peut-être que je m'en lise un petit bientôt. Ça fait trop longtemps :D
    PS : "Le ventre de Paris" est fantastique aussi !!!

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    1. Mais ouiiiiii moi aussi j'adore qu'il montre les côtés horribles du monde tels qu'ils sont, sans concession; c'est extrêmement déprimant mais c'est le prix de la lucidité.
      J'avais adoré Le Ventre de Paris. Je me souviens surtout de ces montagnes de navets et de carottes qui allaient aux Halles et d'une longue description de divers fromages. J'ai hâte de le relire!
      C'est une relecture pour Tigger Lilly et moi, on a lu l'ensemble de la série il y a plus ou moins longtemps. Mais on replonge.

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  2. Je suis aussi dans une lecture des Rougon Macquart... et je suis en plein dans le tome 16, où on retrouve la fille de Sidonie. Quelle plume. Bon, la curée n'était pas mon préféré... mais ça reste Zola!

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    1. Oui j'ai vu! C'est génial! Tu as bien avancé en plus! Haaa j'avais totalement oublié qu'on retrouvait la fille de Sidonie - Le Rêve m'a moins marquée, c'est un des ceux que je trouve un peu en-dessous des autres (mais quelle plume comme tu dis!). Hâte de relire tout ça. :)

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  3. En fait Maxime est le fruit parfait de ses parents : la passivité d'Angèle mêlée à la cupidité de Saccard. Très juste ton portrait de Sidonie. J'adore ce personnage.
    C'est vrai c'est pessimiste Zola. Il n'y a que Au bonheur des dames qui finit bien, non ?
    Très chouette billet bien complet ^^

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    1. Mais oui tu as raison! Il a pris ce qu'il ne fallait pas prendre, en bon Rougon-Macquart....
      Oui on dit souvent ça pour Le Bonheur des dames, et quand j'étais ado j'avais adoré l'histoire d'amour et j'étais bien d'accord avec cette idée; mais à la relecture j'ai trouvé ça super réducteur, c'est l'agonie du petit commerce face aux grands magasins, ça se termine bien juste pour Denise. XD Il sera particulièrement d'actualité celui-là (mais ils le sont tous en fait, c'est fou!).

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  4. Ca donne envie (quand je serais à la retraite probablement :D)

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    1. LOL ! Non mais toi tu es une lectrice surhumaine, je suis sure que tu trouveras le temps avant si tu décides de t'y mettre.

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